«Avez-vous déjà rêvé que vous étiez seul au milieu d’une rafale de gens vous regardant en riant aux éclats?» Eh bien, c’est ce qui m’arrivait presque à chaque jour depuis que j’étais tout petit.
Tout avait commencé plus précisément lors de mon entrée au secondaire. J’avais tout de suite su que j’allais être la risée de toute l’école. Dès mon premier cours, la plupart des élèves de ma classe étaient devenus mes pires adversaires. Le soir, après l’école, ils me donnaient rendez-vous derrière l’école dans la cour de récréation et me ridiculisaient. La plupart du temps, ils m’amenaient dans un coin et me battaient tour à tour comme une pauvre bête. Je ne résistais pas longtemps et je déguerpissais, honteux de rage.
Après cette terrible humiliation, je rentrais à la maison en faisant mine de rien, mais ma mère remarquait bien que mon comportement changeait. Elle se mit donc à se poser de sérieuses questions à mon sujet. Un jour, elle osa m’en parler, mais je ne lui racontai rien. De toute façon, c’était de ma faute si je me faisais battre, non? J’étais un adversaire piteux. Avoir été un peu plus intelligent, peut-être aurais-je trouvé le moyen de me sortir de ce mauvais pas? Ce n’était malheureusement pas mon cas. Ils finiraient bien tous par m’oublier, du moins, je l’espérais.
Des mois passèrent et ma situation n’avait toujours pas changé. Miraculeusement, un jour, je fis un rêve, un rêve fantastique. Mes ennemis étaient tous par terre et je les dominais entièrement. Ils avaient tous l’air minable et je m’en réjouissais! Est-ce que c’était l’image qu’ils voyaient de moi en temps réel? Je réalisai, ce jour-là, à quel point j’étais un adversaire faible et facile à vaincre. Je ne pouvais plus accepter cette pauvre image de moi. Tout ce qu’il me manquait, c’était un peu de confiance en moi et, désormais, j’allais en avoir. J’allais les affronter ces manipulateurs et j’allais tous les battre!
Je me mis à m’entraîner chaque soir, sept jours sur sept. Je devenais meilleur de jour en jour et je crois même que j’étais rendu invincible. J’étais finalement prêt, j’allais achever tous ceux qui m’avaient fait souffrir de honte trop longtemps. Un jeudi soir, après l’école, ma vengeance allait avoir lieu. Mes ennemis m’attendaient déjà derrière l’école selon à leur habitude. Cette fois, il y aurait encore une défaite, mais ce ne serait certainement pas la mienne. Plus je m’approchais du lieu du combat, plus je sentais leur désir de m’anéantir. Le plus gros et costaud de leur groupe s’avança vers moi, l’air songeur, se demandant de quelle façon il allait commencer son massacre cette fois-ci. Je ne lui laissai aucun temps de répit, je sortis toutes mes tactiques et le battis fièrement. Les autres y passèrent tour à tour sans aucune pitié de ma part.
Je venais de mettre fin à toutes ces années de souffrance. Et dire que j’avais failli ruiner toute ma jeunesse pour un stupide jeu de cartes!