Avec sa haute stature et son éloquence, Pape Diouf ne laissait pas indifférent. Ce passionné de sports, né en 1951 à Abéché au Tchad, n’aimait de toutes les façons pas la tiédeur. Fils de militaire, il ne manquait pas de caractère. Et il lui en a fallu pour désobéir à son père en suivant une autre voie que la sienne.
Parti à 18 ans dans le sud de la France, Pape Diouf bifurque en effet. « La raison principale qui m’a fait venir en France est que je devais faire l’école militaire, racontait-il à OM Mag en 2008. Quand je suis arrivé, je me suis rendu compte que c’était un véritable engagement dans l’armée et non une école. J’ai refusé de m’engager. J’ai donc dû subvenir à mes besoins en enchaînant les petits boulots. Le premier, c’était en tant que coursier. Ensuite j’ai été pointeur au port de Marseille puis j’ai fait de la manutention. Bien plus tard, j’ai tenté le concours d’entrée à l’IEP d’Aix-en-Provence que j’ai réussi. »
Un journaliste au cœur du réacteur marseillais
Son passage à Sciences Po Aix s’avère toutefois anecdotique. Par le biais d’une connaissance, le Franco-Sénégalais intègre le journal local La Marseillaise. « Ce furent des années fabuleuses pour moi, assurait-il. J’y ai d’abord travaillé en tant que "claviste" (personne qui compose sur un clavier les caractères d’un texte à imprimer, ndlr), puis comme correcteur. En même temps, j’étais déjà pigiste au service des sports. On m’a ensuite proposé de me consacrer uniquement au service des sports ».
Après avoir traité de l’actualité du basket-ball, le journaliste devient responsable de la rubrique football et couvre celle de l’OM. Pape Diouf se retrouve au cÅ“ur du réacteur footballistique marseillais.
Virage vers la fonction d’agent
En 1987, Pape Diouf rejoint la rédaction du nouveau quotidien, Le Sport, censé concurrencer L’Équipe. L’aventure s’achève au bout de quelques mois. Le reporter se retrouve alors à un tournant de sa vie. « Au même moment, deux hommes sont intervenus : Joseph-Antoine Bell et Basile Boli, souligne l’intéressé, au sujet de l’ex-gardien de but et de l’ancien défenseur de l’OM. Tous deux voulaient que je m’occupe de leur carrière. Je connaissais les principes et les grandes lignes du métier d’agent de joueurs. J’ai hésité, eu égard à la réputation de ce métier. Au final, j’ai pris la décision de le faire. »
C’est le début d’une période faste. Pape Diouf, doté d’un large carnet d’adresses, se bâtit un solide réseau. Il gère les intérêts de grands noms comme Marcel Desailly, Bernard Lama ou Didier Drogba.
Des résultats à l’OM mais pas de titres
En 2004, nouveau tournant. Pape Diouf passe une nouvelle fois de l’autre côté de la barrière. Il intègre l’OM en tant que manager général du club. Quelques mois plus tard, il devient le président du club phocéen, grâce à l’appui de son propriétaire Robert Louis-Dreyfus.
Après deux premières saisons convenables, durant lesquelles la formation azuréenne finit 5e du Championnat de France, celle-ci franchit un palier. Les Marseillais terminent sur le podium durant les trois exercices suivants.
Mais, malgré des résultats plus que probants, Marseille ne remporte aucun trophée notable durant cette période. Et des tensions avec d’autres membres de la direction ont raison de la présidence de Pape Diouf, en juin 2009.
« Une anomalie sympathique »
Durant la décennie qui suit, Pape Diouf reste un observateur et un commentateur assidu du football, français et africain notamment. Fier de son parcours, le binational aimait à se définir comme « une anomalie sympathique », même si son statut de seul président noir d’un gros club européen de football le rendait parfois amer. « C'est un constat pénible, à l'image de la société européenne et, surtout, française, qui exclut les minorités ethniques », jugeait-il dans une interview à Jeune Afrique.
Plus positif, il concluait dans OM Mag : « À ce niveau-là , on sent qu’il y a beaucoup de changements aujourd’hui. L’ascension de Barack Obama aux États-Unis en est la juste illustration… Oui, mais il faut faire attention. De ce point de vue-là , la société américaine est bien plus prête que la société française. Je ne connais pas un Obama français aux portes de l’Élysée… Il faut du temps ! Je vivrai jusqu’à ma mort sans connaître cela. »
Source: RFI